La fête libyque d’Athéna et de Pallas

Dès l’époque archaïque le culte d’Athéna fut important à Cyrène au point que les chercheurs européennes se sont demandé si cette importance ne s’expliquait pas par l’existence d’une divinité libyque qui aurait été identifiée à la Déesse guerrière et industrieuse. Bien sûr aujourd’hui grâce aux travaux que nous avons effectuez sur Maroc Atlantis nos recherches ont permit d’établir l’origine libyenne d’Athéna de façon évidente grâce aux textes hellènes antiques. A l’appui de cette opinion, on peut retenir plusieurs données de qualités diverses. Il faut citer en premier lieu la Déesse égypto-libyque Nît, très ancienne mais particulièrement adorée durant l’époque saïte, au moment où la Basse-Egypte est soumise à une forte influence libyenne et où règne une dynastie de même origine. Nît, Déesse de Sais, était connue des Libyens dès le xive siècle av. J.-C, ou du moins les Égyptiens établissaient-ils des relations particulières entre ces populations et la Déesse puisque les chefs Temehu (Temehau) du tombeau de Séthi 1er sont représentés portant, en tatouage, le symbole de Nît.

Plus détaillé, grâce à la curiosité d’Hérodote, est le témoignage sur le culte d’Athéna dans la région de la petite Syrte au ve siècle. Chez les Auses et les Machlyes est célébrée annuellement une fête, au bord du lac Triton (dans le Sud tunisien), en l’honneur de la Déesse Athéna qui comme le veut une tradition hellénique confirmé par la tradition orale des Libyens serait né dans le pays tritonien (tunisien), d’où son nom d’Athéna Tritogénéia, appellation très ancienne de la Déesse, et celui que portent au moins deux lacs libyens, l’un à proximité d’Euhespèrides (Benghazi), l’autre à l’ouest de la petite Syrte. C’est ce lac Triton, que l’on assimile volontiers aujourd’hui à la « mer » de Bou Grara, entre l’île de Jerba* et le continent (P. Trousset et J. Peyras 1988). Hérodote précise qu’Athéna était la Déesse à laquelle les Libyens voisins de ce lac sacrifiaient de préférence (IV, 189). Elle possédait, dans les parages, un sanctuaire, d’après le pseudo-Scylax (110). C’est en Libye encore que fut préparée pour la première fois l’égide dont est revêtue la Déesse (Hérodote IV, 189). Mais c’est le récit de la fête en l’honneur d’Athéna chez les Auses* et les Machlyes* (Hérodote, IV, 180) qui constitue la pièce maîtresse du dossier de l’Athéna libyque originelle. Voici la traduction par S. Gsell de ce passage d’Hérodote : « (lors de cette fête annuelle) les jeunes filles se partagent en deux troupes et se battent les unes contre les autres avec des pierres et des bâtons, disant qu’elles suivent une coutume instituée par leurs pères en l’honneur de la Divinité que nous appelons Athéna. Elles prétendent que celles qui meurent de leurs blessures sont de fausses vierges. Avant de cesser le combat, voici ce qu’elles font. De chaque côté elles ornent la jeune fille la plus belle d’un casque corinthien et d’une armure helléne complète ; elles la font monter sur un char et la promènent autour du lac… »

Gsell commenta sobrement ce texte édifiant en ajoutant que la jeune fille choisie changeait de nature, devenait véritablement la Déesse et répandait sa bénédiction sur le pays : conceptions fort intéressantes mais qui ne sont pas exprimées dans le texte d’Hérodote. Le savant commentateur s’est intéressé davantage à l’aspect belliqueux de la cérémonie qu’à l’étroite relation entre le rite et la virginité des filles qui y participaient. Il note, en effet, la survivance de tels combats rituels non seulement au ive siècle de notre ère à Césarée de Maurétanie où les habitants se partageaient en deux camps à une date fixe de l’année et se battaient à coups de pierres, mais encore à notre époque, dans les villages kabyles et même dans de grandes villes comme Amaurnakauch (Marrakech). Ces combats auraient une origine magique destinée à expulser les maux qui se sont logés dans le corps des combattants. Plus récemment, S. Ribichini voyait dans le rite des Machlyes et des Auses plutôt un rite d’initiation comme en connaissent les classes d’âge de garçons et de filles dans de nombreuses sociétés. Mais ni Gsell, ni Doutté, ne connaissaient une pratique, au moins aussi curieuse que celle décrite par Hérodote, qui se déroulait dans la région de Ghat, au Fezzan, tous les ans le 27 ramdhâm jusqu’en 1954 où la cérémonie fut interdite par les autorités libyennes modernes. Une « fête du sel » rassemblait les femmes parées de leurs plus beaux vêtements et de tous leurs bijoux. Elles se donnaient une allure guerrière en croisant leur longue ceinture comme les cartouchières des méharistes, se faisait précéder de drapeaux et de musiciens elles se rendaient à Tin Djaraben, lieu où on recueille le sel et où elles retrouvaient les femmes d’El Barkat ; chacune était armée, qui d’un bâton, qui d’un fouet de chamelier, et commençait alors un simulacre de combat qui prenait très vite un aspect rythmique, accompagné de chants n’ayant plus un sens clair. Quand le combat prenait fin, avait lieu, en public, par deux ou trois matrones, l’inspection de la virginité des jeunes filles des deux villages. Les parents attachaient le plus grand intérêt à cette présentation traditionnelle qui, de l’avis de l’informateur, se pratiquait en toute simplicité.

Certes les deux cérémonies telles qu’elles nous sont rapportées à vingt-quatre siècles d’intervalle et qui, de surcroît, ne se déroulent pas dans la même région, ne sont pas identiques mais les coïncidences sont trop nombreuses pour qu’on puisse les négliger. Chez les Ghâti du xxe siècle, comme chez les Auses du ve siècle av. J.-C, on retrouve le même simulacre de combat entre les personnes de sexe féminin appartenant à deux collectivités voisines, le même souci de parure inhabituelle et guerrière, la même relation entre ce combat et la virginité, tout cela au cours d’une fête annuelle. Ainsi un récit particulièrement suspect d’Hérodote se trouve-t-il en grande partie confirmé par l’information contemporaine. C’est donc que cela que nous savons aujourd’hui que ces festivités libyques sont en réalité des fêtes qui commémorent le souvenir d’Athéna et de son duel avec son ami d’enfance la Pallas tritonienne.

Pallas était une naïade du lac Tritonis en Libye et la compagne de jeu d’Athéna dans le jeune âge de la Déesse. Les deux amies avaient été élevées ensemble et étaient très liées. Un jour cependant, comme elles jouaient à la guerre, Athéna la tua accidentellement ; très affectée, elle réalisa une statue à son effigie, qui deviendra le Palladion. L’histoire de la mort de Pallas a été reconstituée dans un festival annuel célébré par les tribus du bord du lac.


Source :

https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1211?fbclid=IwAR30vrfXwny5VlgRVDKb9kwb0PmOSK7nHQvoIMJHnhbPXsl50vbMqvj66Bk

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pallas_(fille_de_Triton)

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