Posidonie protecteur vert de la Méditerranée

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La posidonie est apparue voici plus de 100 millions d’années et peuple la Méditerranée depuis sa formation. Espèce endémique, protégée depuis 1988, véritable jungle sous-marine abritant des centaines d’espèces, elle est loin de mériter le dédain de bon nombre de plongeurs, déçus à la vue d’un « champ de poireaux ». Le nom générique Posidonia dérive de « Poséidon » (Dieu des Mers et des Océans et de l’élément eau en général), ce même Dieu d’origine libyenne que nous nommons en Libye (Afrique du Nord) Anzar.

De longues feuilles vert foncé, très denses, à priori peu engageantes, dont on a du mal à apercevoir la base, ondulant au gré des courants… le décor est posé. Nous voici à la découverte de l’herbier de Posidonie. Et pour ôter le moindre doute, légitime soit dit en passant : non, la Posidonie n’est pas une algue. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est une plante à fleur ! Il y a environ 120 millions d’années, cette cousine de l’Iris, que l’on trouve sur la terre ferme, est revenue à la vie aquatique. Depuis, elle a survécu à tous les cataclysmes, et elle est endémique à la Méditerranée, ce qui veut dire qu’on ne la trouve nulle part ailleurs.

Celle que l’on peut qualifier maintenant de « plante verte marine », est gourmande en lumière : la voici cantonnée de la surface à 40m de profondeur. Mis à part dans les eaux les plus claires comme à Malte, elle ne survit pas au-delà. Elle ne tapisse donc qu’une infime partie des fonds méditerranéens et « fuit » les eaux proches des estuaires, trop douces, car elle supporte mal la dessalure (minimum 33‰), ou bien les eaux trop chaudes d’Egypte jusqu’au Liban.

En tant que plante à fleurs, la Posidonie possède racines, tiges, feuilles, fleurs et fruits. Sa tige est rampante, on l’appelle le « rhizome ». Il a une croissance très réduite, de l’ordre de 1cm par an. C’est l’enchevêtrement entre les rhizomes, les racines, et le sédiment que l’on appelle la « matte », qui constitue un lieu privilégié pour bon nombre d’invertébrés. Les feuilles peuvent atteindre 1m de haut, et se renouvellent toute l’année. Elles ont une durée de vie de 5 à 8 mois. Dans les eaux calmes, les feuilles peuvent atteindre la surface, ce qui n’est pas le cas dans les zones plus agitées, du fait de l’arrachage mécanique par les vagues. La floraison n’est pas régulière. La fleur donnera un petit fruit vert, appelé « Olive de mer », qui germera et donnera une nouvelle plante.

En se penchant d’un peu plus près, au cœur de cette forêt sous-marine, on s’aperçoit rapidement qu’il ne s’agit pas que de simples feuilles, mais d’un véritable écosystème. Et toute la surface est colonisée par un nombre impressionnant d’habitants. 1m² d’herbier représente une surface colonisable 50 fois plus grande. La Posidonie est un des habitats les plus accueillants pour la vie marine. Les plus observateurs se rendront compte que même les feuilles sont colonisées : elles sont recouvertes par une multitude d’organismes minuscules aussi bien végétaux qu’animaux.

 

 

Un des rôles majeur des prairies sous-marines, est d’abriter la descendance de beaucoup d’espèces. Comme les Castagnoles (Chromis chromis), poissons voisins des Demoiselles des eaux chaudes, dont les progénitures bleues électriques semblent survoler l’herbier comme des papillons dans un pré. On y trouve également au printemps, des grappes noires enroulées autour des feuilles : ce sont des pontes de Seiche (Sepia officinalis). Ce mollusque céphalopode aime d’ailleurs se réfugier au cœur de la forêt de Posidonie.

Le terme « forêt » est d’ailleurs évocateur : la comparaison est inévitable, tant en terme de biomasse, que de production d’oxygène. Parmi les écosystèmes marins, seule la mangrove présente une biomasse végétale aussi importante. L’herbier joue donc également un rôle très important en produisant, soit directement, soit par l’intermédiaire des végétaux épiphytes des feuilles, une grande quantité d’oxygène, qui sera utilisée par la vie marine ou bien pour la dégradation des feuilles. Par ailleurs, elle va aussi jouer un rôle esthétique: en piégeant les particules en suspension, qui vont sédimenter au cœur de l’herbier, ce filtre naturel va participer à l’éclaircissement de l’eau.

Les bienfaits de la Posidonie ne s’arrêtent pas au milieu marin. Agissant comme une véritable barrière, elle va avoir pour effet de casser la houle, et d’empêcher les vagues d’atteindre la côte à pleine puissance, évitant une érosion trop grande des plages. Ce phénomène est renforcé par les « banquettes de Posidonie » : cette accumulation de feuilles mortes rejetées sur la plage, bien souvent « boudées » par les baigneurs, évitent tout simplement aux vagues de grignoter la plage. Elles sont malheureusement bien souvent enlevées par les collectivités, les jugeant peu esthétiques.

Avec ses allures de jardin sauvage, la posidonie représente à l’image d’une forêt tropicale, une véritable réserve de vie, où un œil avisé y observera bon nombre de comportements étranges et fascinants. Passer en revue toutes les espèces serait un travail de titan, car c’est plus de 400 espèces végétales et plusieurs milliers d’espèces animales qui peuplent l’herbier.

 

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La conservation de la Posidonie est un atout écologique majeur en Méditerranée, mais aussi touristique pour les amoureux des plages.

 L’herbier de Posidonies constitue l’écosystème majeur de la Méditerranée, c’est-à-dire le plus développé et complexe. L’herbier de Posidonies est donc l’écosystème le plus important de la Méditerranée et est déclaré « site d’importance communautaire » par une directive de l’Union européenne.

Dans l’écosystème côtier la Posidonie tient un rôle fondamental pour diverses raisons :

  • Elle libère environ 20 litres d’oxygène par jour pour chaque m² d’herbier.
  • Elle produit et exporte de la biomasse soit dans les écosystèmes limitrophes, soit en profondeur.
  • Elle abrite de nombreuses espèces de poissons, céphalopodes, bivalves, gastéropodes, échinodermes et urochordés.
  • Elle consolide les fonds des côtes, contribuant à freiner le transport de sédiments dû aux courants.
  • Elle agit en tant que barrière, limitant l’érosion des côtes en limitant la force des courants.
  • Elle protège les plages de l’érosion avec les feuilles échouant sur les côtes, particulièrement en hiver.
  • Les herbiers de Posidonies rétrécissent chaque année dans toute la Méditerranée27, phénomène grandissant d’année en année dû à la pression démographique humaine sur le littoral.

La perte des herbiers a des effets négatifs non seulement sur les Posidonies mais également sur d’autres écosystèmes ; la perte d’un seul mètre linéaire d’herbier peut entraîner la perte de plusieurs mètres de plage dû à l’érosion. De plus, le rétrécissement des herbiers amène une biodiversité moindre et une détérioration de la qualité de l’eau.

Les causes du rétrécissement sont :

  • La pollution.
  • La pêche au chalut.
  • La pratique de sports nautiques (endommagements dus aux ancres, hydrocarbures, détergents, peintures, déchets solides, etc.)
  • La construction d’habitations sur le littoral, entraînant l’installation d’égouts menant les décharges à l’eau, augmentant la turbidité de l’eau et diminuant ainsi la photosynthèse.
  • La construction de digues et autres barrières modifiant la sédimentation.
  • L’eutrophisation des eaux côtières, provoquant une croissance anormale des algues épiphytes, qui bloquent la lumière et diminuent ainsi la photosythèse.
  • De nos jours, les herbiers de Posidonies sont menacés par la compétition avec deux algues tropicales accidentellement introduites dans la Méditerranée, Caulerpa taxifolia et Caulerpa racemosa. Les deux présentent une croissance rapide qui suffoque les Posidonies.

 

Usages anciens :

Par le passé on utilisa les feuilles comme isolant dans la construction des toits, comme lit pour les animaux ou pour emballer des objets fragiles (en Italie on l’appelait « alga dei vetrai » (« algue des vitraux »). En pharmacologie on utilisait les feuilles pour soigner des inflammations et des irritations. En certaines régions méditerranéennes elles sont encore utilisées dans l’alimentation des animaux. On étudie actuellement la possibilité d’utiliser Posidonia oceanica pour la production de biogaz.

 

Durée de vie :

Une étude de 2011 a estimé l’âge d’une colonie de Posidonia oceanica en Méditerranée entre 12 000 et 200 000 ans en se basant sur la découverte de clones séparé de 15 km et une vitesse d’extension par multiplication végétative de 4 cm⋅an-1. L’âge maximum étant théorique puisque la région qu’elle occupe était émergée il y a 10 000 à 80 000 ans.

 

 

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