Mythologie égyptienne: Le tribut du dieu de la mer partie 1

L’assemblée des dieux, l’Ennéade, avait connu bien des tourments. Le maître de l’univers, le demiurge, n’avait-il pas chercher à conjurer définitivement les dangers en refoulant les anneaux de l’ennemi au fin fond de l’Océan ? L’Ennéade n’avait-elle pas aidé celui qui régnait sur le Double-Pays, Chou, puis Geb, à combattre les ennemis venus de zones obscures qui se massaient aux confins du royaume, au sud ? N’avaient-ils pas, avec l’aide de Thot, celui qui connaît la mesure des paroles, convaincu ces mêmes ennemis de parvenir à un accord, les persuadant de ne plus recourir à la force et d’avoir, en retour, librement accès à l’eau du fleuve si nécessaire à leur survie ? Désormais, ils n’auraient plus à craindre les hippopotames ni les crocodiles, ils pourraient conduire en liberté leurs troupeaux jusqu’aux rives du Nil pour les faire boire.

Plutôt que d’exterminer les ennemis, les dieux avaient préféré faire preuve de magnanimité, de sagesse aussi : l’exemple de Rê déchaîné contre les hommes était resté gravé dans les mémoires ; la colère du roi avait été démesurée puis le courroux de Sekhmet privée de sa proie avait fait peser des menaces sur la terre quand elle s’était retirée dans le sud. Il avait fallu toute la force de conviction de Thot pour la ramener. Puis il y avait eu la lutte de Seth et Horus qui les avait tous divisés et épuisés. Il était temps de songer à se retirer, de s’élever au-dessus de toutes ces querelles et de trouver à Horus des successeurs qui régneraient sur le monde des hommes, disposés, le cas échéant, à construire à l’est des murailles qui fermaient la route aux envahisseurs.

Rê (à gauche) et Sekhmet (à droite)

Seulement, voilà qu’un nouveau danger était apparu au nord, jusque-là inconnu. Certes, les dieux avaient été confrontés aux ruses et aux traîtrises de Seth ; le meurtre d’Osiris des mains de son frère avait failli faire basculer l’univers sur ses fondements. Mais tous connaissaient Seth, sa violence, sa démesure, ainsi que son aveuglement qui permettait de contourner ses desseins les plus sombres ; à l’occasion, il savait aussi rendre service, par exemple contre le serpent Apophis. Après tout, n’était-il pas l’un des leurs ? Tandis que ce nouveau dieu…

Seth contre Apophis

On n’en avait jamais entendu parler jusque-là. D’où venait-il, nul ne le savait très bien. Une chose était certaine, il n’avait pas été suscité en ce monde par le demiurge, il ne faisait pas partie de l’assemblée des dieux, on ne le comptait pas parmi ces génies dont certaines cités invoquaient la protection. Nul temple n’avait été construit pour lui sur les rives du fleuve. Nulle procession n’était organisée pour lui, point d’offrandes n”étaient élevées en son honneur. Aucune statue ne lui était consacrée.

Certains disaient qu’il venait des contrées lointaines, au-delà du pays où se lève Khépri, habitées par des peuples ennemis. D’autres prétendaient qu’il était venu avec ces peuplades d’Asie qui, un temps, avaient menacé de déferler sur le Delta. D’autres encore le disaient surgi de ces eaux salées indomptables dans lesquelles se perdent celles du Nil, de cette mer sur les rives de laquelle Isis avait longuement erré, seule, étrangère, loin de cette noble terre d’Égypte, avant de retrouver le cercueil de son cher époux.

Les dieux de l’Ennéade n’aimaient pas la mer gigantesque étendues d’eau salée qui se déchaînaient sous l’effet des vents et des tempêtes. Il est vrai qu’elle était difficile d’accès : il fallait traverser les zones instables des marécages du Delta pour l’atteindre ; elle était bordée de terres inconnues dont on savait qu’elles vénéraient d’autres dieux ; elle leur rappelait les errances d’Isis en quête d’Orisis dont l’Égypte avait failli perdre à jamais le corps. En même temps, ces marécages étaient une forme de défense naturelle, protégeant l’Égypte d’incursions étrangères, et nul n’avait songé qu’un quelconque danger pût arriver de ce côté-là.

Or voilà qu’une force inconnue – d’aucuns disaient un dieu – terrorisait désormais les pêcheurs qui s’aventuraient hors du Delta, s’emparant de leur barques qu’elle engloutissait en emportant hommes, filets et nef dans les profondeurs des eaux. Nul n’en revenait vivant. Puis, une nuit, ce fut du bétail qui disparut, comme happé par une immense vague qui déferla sur les bêtes et les emporta. Une autre fois, ce fut un village, toujours dans le Delta, qui fut victime de sa convoitise. Un grand bateau accosta, la proue ornée d’une figure grimaçante d’une facture inconnue en Égypte. Des êtres en surgirent – nul n’eut le temps de dire si c’était des hommes -, lancèrent un filet qui s’abattit sur un groupe de jeunes filles qu’ils capturent avant même que les villageois assistant, hébétés, à la scène eussent le temps ni le réflexe de s’interposer. Lorsque, enfin, ils lancèrent des barques à la poursuite de la nef, il était trop tard : elle voguait déjà au large et disparut bientôt au-delà de l’horizon ; quant aux jeunes filles nul ne les revit.

Les rumeurs se multipliaient, les craintes s’amplifiaient. Certains racontaient qu’un monstre surgissait des profondeurs de la mer chaque nuit et venait errer dans le Delta aux abords des villages, d’autres que les crocodiles et les hippopotames eux-mêmes se terraient par frayeur dans les sombres profondeurs de la vase.

Face à cet intrus, le dieu du Nil, Hâpy, avait alerté l’assemblée des dieux. mais ces derniers hésitaient, ballotés entre les rumeurs et leur indécision. Ils recommandèrent aux prêtres de multiplier les offrandes et les processions religieuses Des troupes furent expédiées dans la région du Delta, et une surveillance de la mer fut mise en place.

On espère que ça vous a intéressé la suite de l’histoire sortira le mois prochain. N’hésitez pas à vous abonner au compte premium de Maroc Atlantis. Sur ce bonne soirée les libyques et libycophiles.

Extrait de : La mythologie égyptienne, page 133, par Nadine Guilhou et Janice Peyré

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