Pour résumé l’épisode précédent, le dieu de la mer, Yam, s’en était pris à une fille des dieux d’Égypte. Il l’a poursuivi et tenta de la retenir en lui attrapant les cheveux. Après de nombreux évènements, cette fille fut finalement mise à mort pour trahison envers son mari Bata. La perte de cet fille des dieux était considérée comme un affront pour les dieux Malheureusement Yam en voulait toujours plus.
Le dieu de la mer était insatiable. Jour après jour, il exigeait son tribut. Et face aux menaces qui pesaient sur l’Égypte depuis qu’il en avait approché la côte, les dieux crurent bon de s’incliner, espérant qu’il finirait par se lasser de tant de présents et qu’il repartirait dans ses contrées d’origine. C’était mal le connaître et sous-estimer la démesure de son avidité.

Pour montrer sa détermination, il envoya ses troupes en vagues conquérir les terres du Delta. Celles-ci disparurent sous leur emprise, le bétail se noya, les oiseaux s’envolèrent, les paysans fuirent en barque, les semailles pourrirent, l’eau envahit les greniers et le grain moisit.
Alors la Terre implora la déesse de la moisson, Renenoutet, de l’aider. Elle s’inclina devant elle : « Vois, j’ai été généreuse, les récoltes ont été bonnes. Mais voilà que tout périt, je m’enfonce dans cette immensité liquide, mes enfants meurent, je ne puis les aider. Va, apaise la faim de Yam, porte-lui de l’orge et du blé pour qu’il soit rassasié et qu’il se retire. »

Renenoutet s’exécuta et lui offrit des gerbes en abondance, mais le dieu, furieux, les jeta à la mer. Ces offrandes n’étaient pas suffisamment riches pour un dieu. Alors l’Ennéade, après avoir longuement débattu, au désespoir de la Terre, fit rassembler des trésors d’argent, d’or, de lapis lazuli et de toutes sortes de pierres précieuses dont les dieux remplirent des coffrets. Accompagnée du pharaon qu’on avait fait monter dans le ciel pour l’aider, Renenoutet chargea tous ces présents dans une somptueuse barque qui descendit le cours du fleuve jusqu’à l’embouchure. Là, le dieu accepta les présents des mains du pharaon qui se prosterna devant lui.
Le dieu demanda qu’on lui elevât un temple aussi grandiose que celui de Rê, à Héliopolis. Les travaux traînaient : le pharaon hésitait à considérer ce dieu comme l’égal de ceux qui composaient l’Ennéade et à irriter ces derniers en faisant des offrandes et des sacrifices pour un dieu étranger. Cependant, les dieux eux-mêmes n’étaient-ils pas contraints de lui verser un tribut, reconnaissant par là sa supériorité ?

Voyant que son sanctuaire n’avançait pas, Yam entra dans une rage démesurée. Une grande peur saisit les dieux qui envoyèrent une délégation conduite par le pharaon en personne. La promesse que fit ce dernier d’accélérer les travaux ne suffit pas à apaiser le dieu de la mer. Il réclama un trésor dix fois plus important que le précédent, dans autant de barques ornées d’or et de pâtes de verre et pourvues de rames en ébène.

L’Enneade s’exécuta, mais le dieu de la mer ne retira pas ses eaux de la Terre, qui implora de nouveau les autres dieux. Le tribut que Yam demandait cette fois-ci était autre : des pierres de la taille d’un oeuf de crocodile qu’on ne trouvait que dans une mine cachée dans un lointain pays; et il réclama que cette offrande lui fût apportée par la fille de l’un des dieux accompagnée d’un cortège de filles jeunes et belles n’ayant encore jamais enfanté. L’assemblée écouta attentivement les oiseaux qui leur répétaient les exigences de Yam. Les dieux baissèrent la tête, évitant de se regarder les uns les autres. Alors Renenoutet prit la parole : « Ptah, toi qui as su soulever la Terre hors de Noun, toi qui nous a pensés en ton coeur et énoncés dans ta bouche, Dieu verdoyant, tu as une fille que tous redoutent. Elle porte ta semence, elle a ta force et ne craint rien. » La Terre se prosterna devant lui : « Ô Ptah, demande à Astarté, ta fille, de porter notre tribut à cet être insatiable. Elle seule pourra apaiser sa colère. » Les autres dieux joignirent leurs suppliques à celles des deux déesses, et Ptah s’inclina.
