Ifri ou Africa en langue latine, serait une divinité d’origine berbère reprise par les romains pour en faire la personnification de l’Afrique romaine. Elle aurait donné son nom au continent africain (Ifriqiya). Mais sommes-nous certains de connaître cette déesse ? En effet quand on s’intéresse de plus près à cette déesse on remarque quelques incohérences.
Penchons-nous sur son nom, Ifri. Ifri en langue libyque signifie grotte. Ce nom pose donc problème car il semble renvoyer à un mode de vie troglodyte. À l’époque de la domination romaine, les berbères troglodytes, ayant migrés du Tchad vers l’Occident, vivaient principalement en Tunisie qui correspond justement au territoire d’Africa au début des conquêtes romaines de l’Afrique du Nord.
En violet nous avons le territoire d’Africa et en Jaune la Maurétanie
On remarque également un autre problème dans le nom d’Ifri. En effet contrairement à Tamaurt, Tafsaut, Tafaukt ou Tanit, le nom d’Ifri ne possède aucune marque de féminin (T) mais désigne une divinité féminine.
Son nom ne peut pas être Tifrit car Tifrit désigne un petit trou et non plus une grotte.
De surcroît, les répresentations d’Africa ne semblent pas correspondre à sa nature de troglodyte. Comme Libya (Tamaurt), qui elle est une divinité liée à l’agriculture, Ifri est représentée devant un muid (instrument de mesure utilisé dans l’agriculture) coiffée d’une trompe et d’oreille d’éléphant, tenant une défense d’éléphant ou une corne d’abondance dans la main. Les animaux qui lui sont associés sont le scorpion et le lion. Il est d’autant plus étrange que Libya et Africa soit représentées de la même façon alors que ce sont deux divinités distinctes.
Enfin son culte semble être très lié au romains et à l’Afrique romaine. Sa première apparition semble avoir été sur une pièce de monnaie d’Agathocle que ce dernier avait en mis en circulation pour fêter sa victoire face au Carthaginois entre 310 et 304 av J.C. La figure D’africa semble avoir été également utilisée par Juba II à des fins dynastiques lors de la construction du théâtre de Césarée (actuelle Cherchell). Les monnaies d’Hadrien, empereur romain, permettent de distinguer l’Afrique représentée sous la forme d’une femme vêtue d’une longue tunique et d’une proboscis ou trompe d’éléphant, symbole d’une province pacifiée, de la Maurétanie représentée comme une amazone tenant la bride d’un cheval et un javelot. Les mosaïques représentants Africa datent de l’époque Flavienne et Antonine. Pline l’ancien rapport que les africains ont tendance à invoquer Africa avant d’entreprendre quoi que ce soit avec un scorpion. Or Pline l’ancien était procurateur en Afrique proconsulaire et put observer ce phénomène par lui-même et il est fort probable que ses remarques se limitent uniquement à l’Afrique proconsulaire et non pas à l’Afrique du nord. À Timgad, ancienne colonie romaine peuplée essentiellement de citoyens romains, elle était la déesse principale du grand sanctuaire de l’Aqua Septimiana Felix où elle était adorée en tant que Dea Patria (déesse de la patrie).
Toutes ses remarques suscitent le doute quant à la légitimité d’Africa. Cependant il n’est pas impossible qu’Africa ait été fusionnée avec une autre divinité libyque (Libya) par les romains dans un but de manipulation des populations libyennes comme les romains l’avaient fait avec Amon et une autre divinité égyptienne. Mais en l’absence de preuves nous ne pouvons que supposer. Les recherches au sujet d’Africa seront plus approfondies.