Nous sommes le 24 juin et sommes dans la période de l’année au le soleil est le plus proche de la terre. C’est aujourd’hui traditionnellement que les peuples libyens organisent les fêtes du solstice d’été dans le but de se protéger durant le reste de l’année. Nous allons trois types de cérémonies visant à se protéger.
Tout d’abord nous avons les cérémonies utilisant le feu pour éloigner la malchance et la maladie. Le jour de l’3ansara les arabes de la tribu Mnasara allument des feux à l’extérieur de leurs tentes, près des animaux, dans leurs champs et dans leurs jardins. De grandes quantités de pennyroyal (variété de menthe) sont brûlées dans ces feux et les gens sautent au-dessus de certains de ces feux 3 fois en faisant des aller-retours. Parfois de petits feux sont également allumés à l’intérieur des tentes. Les gens disent que la fumée apporte la bénédiction à tout ce qui entre en contact avec elle. Le cas des Mnasara est d’ailleurs un parfait exemple de tribu arabe s’étant convertie au libysme

À Salé, sur la côte atlantique, les personnes qui souffrent de maladies oculaires se frottent les yeux avec les cendres du feu de l’3ansara et à Casablanca et Azemmour les gens gardent leur visage au-dessus du feu car la fumée est considérée bonne pour les yeux.
Chez la tribu arabe Ouled Bou Aziz, dans la province de Doukkala, les feux sont allumés pour les cultures et les fruits et non pas pour les humains et les animaux. On m’a dit que personne ne voulait procéder aux récoltes de la saison avant la fin de l’3ansara pour pouvoir bénéficier des vertus de la fumée.
La veille du solstice d’été les Beni/Aït Mguild allument des feux de paille. Les villageois sautent trois fois au-dessus du feu en faisant des aller-retours et laissent un peu de fumée passer sous leurs vêtements. Les femmes mariées gardent leur poitrine au-dessus du feu dans le but que leurs futurs enfants soient forts. Elles maquillent leurs yeux et leurs lèvres avec du khol mélangé avec des cendres. Elles plongent également la patte avant droite de leur cheval dans le feu et déposent des cendres sur le front et entre les narines du cheval.
Chez les rifains, d’autre part, les cérémonies liées au feu sont pratiquées aussi largement que chez les Jbala. Des feux sont allumés et les gens sautent par-dessus dans le but de rester en bonne santé. Des feux sont aussi allumés pour les animaux et souvent on jette le corps sec d’un chat sauvage dans les flammes, la fumée s’en dégageant étant considérée comme saine pour les animaux. Enfin des feux sont également allumés sous les arbres fruitiers pour empêcher les fruits de tomber. Les cendres des feux par-dessus lesquels les gens sautent sont récupérées et mélangées avec de l’eau. Ensuite les rifains frottent cette mixture sur la touffe de cheveux qu’ils laissent pousser afin de se protéger contre la chute cheveux.
Chez différentes tribus du Soss, appartenant au même groupe, de la fumée est provoquée sous les arbres fruitiers, pendant le solstice d’été, en vue de protéger les fruits de la chute. Ainsi les gens de Aglau font de la fumée avec de la paille, des détritus mélangés à de la bouse de vache ou de chameau, mais le tas ne doit pas prendre feu ; si cela se produisait les flammes seraient éteintes avec de la terre de crainte que les fruits soient mauvais. À Tazerwalt, une autre commune de la région du Soss, quelques poissons de la rivière sont grillés sous les arbres fruitiers, là encore la fumée est considérée comme bénéfique pour les arbres.
D’autres rites ont pour but de détruire directement la malchance par le feu.Pour se faire, les Beni Mguild brûlent, la veille du solstice d’été, trois gerbes de blé non battu ou d’orge. Une pour les enfants, une pour les cultures et une pour les animaux. Par la même occasion ils brûlent la tente d’une veuve n’ayant jamais donné naissance à un enfant. Une coutume très similaire semble prévaloir chez une autre tribu appartenant au même groupe, les Azemmaur. Ces derniers détruisent la malchance en brûlant la tente de quelques veuves dont la famille est morte au combat. Chez la tribu voisine, les Aït Ahsen, les Azemmaur brûlent la tente de quelqu’un qui a été tué à la guerre durant une fête, ou, s’il n’y a pas une telle personne au sein du village, ils brûlent la tente du fki ou maître d’école. Bien sûr que ce soit chez Aït Mguild ou les Azemmaur, la tente brûlée est remplacée par une nouvelle.
Chez les arabophones Aït Ahsen, il est coutume, pour ceux qui vivent près de la rivière Sbou, de construire une petite cabane en paille au solstice d’été, d’y mettre le feu et la laisser flotter dans la rivière. Les gens de Salé brûlent une cabane de paille qu’ils jettent dans la rivière Bau Ragrag et qu’ils laissent couler en dehors de la ville. Tandis que dans la ville voisine, Rabat la même cérémonie a parfois lieu dans les réservoirs des jardins.
Pour finir nous avons les rites liée à l’eau. Le jour de l’3Ansara les gens des Andjra se baignent à la mer ou dans la rivière. Ce jour-là l’eau est dotée de baraka et permet de repousser la maladie et la malchance. Ils baignent également leur animaux (chevaux, mules, ânes, bétail, mouton et chèvre). Beaucoup de saints, dont la tombe est située sur les côtes, ont droit à leur fête le jour de l’3Ansara (Sidi El Makhfi à El Ksar es sghir chez les Anjra, Sidi Kacem à Fahs, Sidi Hamid Ben Marzok à Azila) et pour ces occasions beaucoup de baignade ont lieu à la plage. Les rites de baignade le jour de l’3Ansara prévalent chez différentes tribus, si ce n’est pas toutes, des Jbala. Les baignades sont aussi fréquentes chez les Aït Ahsen et à Salé.
À Rabat, Meknès et Fès, les gens, le jour de l’3Ansara, se versent de l’eau les uns sur les autres dans les rues ou sur les toits leur maison sans que cela offense qui que ce soit. D’autre part je n’ai pas trouvé de cérémonies en lien avec l’eau chez les arabes Mnasara ni les Doukkala ni les Chaouia pas plus que chez les chleuh du Haut-Atlas ou les Braber. En revanche les baignades du solstice d’été existent chez quelques tribus chleuhs du Soss. Un vieil homme de Tazerwalt raconte que le jour de l’3ansara, les enfants se baignent dans des sources et les adultes dans leur maison.
À Aglau hommes, femmes et enfants, durant le solstice d’été, se baignent à la mer, à la rivière ou dans une source en pensant que s’ils faisaient ça ils ne souffriraient d’aucune maladie durant tout le reste de l’année. Si une femme est désireuse de savoir si elle sera bénie par la venue d’un enfant ou non, cette dernière se rend sur le rivage, le jour de l’3Ansara ainsi que les deux autres jours suivants, où elle se laisse submerger par 7 vagues. Ainsi elle sait que, si elle doit avoir un enfant, elle tombera enceinte dans peu de temps.
On signale également l’existence de cette fête en Kabylie notamment avec la fumigation d’arbres fruitiers mais ils s’agit de la seule information dont nous disposons en ce qui concerne la Kabylie
source: Midsummer customs in Morocco par Edward Westermarck