Si Tafokt/Athéna est la divinité solaire la plus connue chez les libyens actuels, elle ne représente par l’astre en lui-même mais sa lumière et sa chaleur. L’astre lui-même est incarné par le dieu Itij/Isi. Son nom n’est resté qu’en langue taqvaylit sous la forme Itij et en langue libyque ghadamsi sous sa forme primaire, Isi. Mais contrairement à Tafokt, la reconstitution de la religion d’Isi a été plus simple notamment grâce à la présence des contes libyques. Il correspond à Ré et à Hélios dans les religions égyptienne et hellénique. Dans cet article vous saurez tout sur ce grand dieu qu’est Isi.
Son histoire
Selon une légende rapportée par Diodore de Sicile et qu’il dit tenir des atlantes, Hélios/Isi est le petit-fils d’Uranus et Titéa et le fils de Basiléa et d’Hypérion. En voici un extrait :
« Basiléa, la plus âgée et en même temps la plus sage et la plus intelligente, éleva tous ses frères, et leur prodigua les soins d’une mère. Aussi fut-elle surnommée la Grande mère. Lorsque son père fut élevé au rang des dieux, elle monta sur le trône avec l’agrément des peuples et de ses frères. Elle était encore vierge, et par un excès de sagesse elle ne voulait pas se marier.
Plus tard, pour avoir des enfants qui pussent lui succéder dans la royauté, elle épousa Hypérion, celui de ses frères qu’elle aimait le plus. Elle en eut deux enfants, Hélius et Séléné, tous deux admirables de beauté et de sagesse. Ce bonheur attira à Basiléa la jalousie de ses frères, qui craignant qu’Hypérion ne s’emparât de la royauté, conçurent un dessein exécrable. D’après un complot arrêté entre eux, ils égorgèrent Hypérion et noyèrent dans l’Eridan son fils Hélius, qui n’était encore qu’un enfant. Ce malheur s’étant découvert, Séléné, qui aimait beaucoup son frère, se précipita du haut du palais. Pendant que Basiléa cherchait le long du fleuve le corps de son fils Hélius, elle s’endormit de lassitude ; elle vit en songe Hélius qui la consola en lui recommandant de ne point s’affliger de la mort de ses enfants ; il ajouta que les Titans recevraient le châtiment mérité ; que sa soeur et lui allaient être transformés en êtres immortels par l’ordre d’une providence divine ; que ce qui s’appelait autrefois dans le ciel le feu sacré serait désigné par les hommes sous le nom d’Hélius » Livre III Diodore de Sicile, LVII

Sa personnalité
Selon le conte Tislit n Itij, Itij serait tyrannique, jaloux et ne supporterait pas les affronts. Itij punit sévèrement ceux qui osent se jouer de lui. Dans les contes Tislit n Itij et Itij dhi Tvaqith, la punition qui incombe aux personnages ayant offensé le soleil est le sacrifice de leurs fils. Dans la religion égyptienne, Râ envoie Sekhmet punir les hommes car ces derniers ont profité de la vieillesse de Râ pour essayer de secouer son joug. Sekhmet, aveuglée par la rage, répandra le sang et la peur sur terre.
Isi/Itij et l’Éthiopie
Les connaissances que nous avons de la religion hellénique permettent de comprendre que les « noirs » dont il est question dans le conte Tislit n Itij sont ceux que l’on appelle les Éthiopiens (ceux dont le visage est brûlé). Dans la religion hellénique Isi/Hélios est le roi de l’Éthiopie. Les Haut-monts correspondent en réalité aux haut-plateau d’Éthiopie et le désert que les personnages traversent pour rejoindre le pays des Haut-monts est le Ténéré (Sahara).

D’ailleurs Itij et Éthiopie proviennent de la même racine qui signifie « brûler ». Le mot « Éthiopie » est formé de « aïthia » (brûler) et « ops » (visage) et Itij vient de la racine « ttej » selon Mouloud Mammeri qui signifie également « brûler ». À noter qu’il existe également des termes en taqvaylit comme « sfittej » qui signifie « être brûlant », « fnttitej » qui correspond au verbe « brûler » ou « jetter des étincelles » et « afttiwej » en tachawit qui signifie « étincelle » ou « éclat ».

Ses pouvoirs
Isi, en tant qu’incarnation du soleil, voit tout et possède le pouvoir prédire l’avenir.
Une étude des mythologies comparées tend à montrer qu’il serait une divinité de la foudre. Dans l’Iliade on retrouve un hymne homérique à Hélios/ Isi indiquant qu’il aurait la capacité jetter des éclairs avec ses yeux : « Traîné dans son char rapide, il éclaire à la fois les dieux et les hommes; à travers son casque d’or, ses yeux jettent des éclairs formidables; des rayons étincelants s’élancent de son sein; son casque brillant darde une splendeur éclatante; autour de son corps brille une draperie légère, que le souffle du vent agite. »
De plus si on se penche sur son nom en langue étrusque qui est Usil on peut observer la racine « sil » qui se rapproche de la racine « zil » en langue libyque et qui correspond au tonnerre. On retrouve notamment cette racine dans les noms des dieux Amzil et Agorzil qui sont deux dieux de la foudre.
Il peut également envoyer un basilic pour pétrifier ceux qui l’offensent.
Animals légendaires associés à Isi
Le Phénix
Isi est associé au légendaire Phénix que l’on retrouve dans le conte libyque de Kabylie de l’oiseau d’or. Il s’agit d’un oiseau au plumage bleu, rouge et doré originaire d’Éthiopie ou d’Arabie selon les sources et associé au culte solaire. Nous pensons qu’il serait originaire d’Éthiopie, étant donnée qu’il est associé à Isi et que ce dernier est roi de l’Éthiopie.
Le phénix possède les mêmes pouvoir qu’Isi à savoir la capacité de tout voir et de pétrifier ses ennemis. Le phénix possède également une voix envoûtante qui charme les coeurs.

Le serpent
Ce n’est pas un secret le serpent est un fort symbole solaire. On retrouve ce symbole dans le conte Tislit n Itij lorsque Ali Demmo, l’assassin d’Itij, se fait pétrifier par un basilic. L’équivalent égyptien de Isi, Ra, possède également un cobra enroulé autour du disque solaire comme attribut.

Le soleil et le miroir dans les contes libyque
En étudiant les contes libyques et en les comparant aux récits européens, C. Laoust mit en évidence le remplacement du miroir des versions européennes par le soleil lui-même dans les versions libyques : « Les contes africains ont cependant leurs caractères dont le plus curieux réside en la substitution du soleil au miroir magique de la femme jalouse, sorcière ou magicienne, ennemie de l’héroïne, des versions européennes. Le miroir parle et répond à ses questions, comme le fait le soleil. Il est remarquable, par ailleurs, que le miroir est le substitut magique du soleil dans les rites berbères propres à provoquer le retour du beau temps; de même la blancheur du corps humain est assimilée à l’éclat du soleil dans certains rites de nudité employés également pour ramener le beau temps ».
En réalité cette différence n’est pas sans fondement et s’explique par la symbolique même du miroir. Dans la tradition ésotérique, le miroir est associé à la vérité mais aussi au Soleil et à la Lune. On retrouve notamment cette croyance dans le vocabulaire libyque où « tisit », que l’on pourrait traduire par « petit soleil », désigne le « miroir.
