Initiation aux secrets de la joaillerie atlante

Pendentifs éloignant les mauvais esprits et permettant d’entretenir l’amour du mari, délicates fibules pour soutenir les vêtements de fête, orfèvres juifs venus d’Al-Ándalus pour travailler avec soin l’argent de l’autre côté du détroit… Les bijoux atlantes sont bien plus que de magnifiques exemples d’orfèvrerie, ils sont les preuves d’une bijouterie artisanale qui tient ses racines de la nuit des temps. En plus de leur esthétisme s’ajoutent une puissante symbolique religieuse et identitaire.

La fabrication de ces bijoux était le plus souvent attribuée aux juifs qui détenaient un savoir-faire inestimable en ce qui concernait l’orfèvrerie. Malheureusement lorsque les juifs quittèrent le Maghreb pour s’installer en Israël, ils emportèrent avec eux leurs connaissances et savoir-faire millénaires.

Dans la joaillerie atlante, le choix des métaux, des animaux ainsi que des autres formes géométriques n’est pas le fruit du hasard. Chaque élément, du collier au bracelet, possède une symbolique magique.

La symbolique des animaux

Le scorpion et le serpent : Les représentations de serpent et de scorpions aidaient à se protéger de leurs morsures ou piqûres. Les représentations de scorpions permettaient également de se protéger du mauvais œil. Le serpent, quant à lui, protège les céréales et sauvegarde les puits. Le serpent renvoie à El (Allah), dieu des sources d’eau souterraines et dieu qui enseigna l’agriculture aux Romains.

Le poisson, la tortue et la grenouille : Les représentations de poissons, tortues et grenouilles, elles symbolisent la fertilité dû au nombre de petits que ces animaux ont l’habitude d’avoir.

Les oiseaux : L’oiseau est porteur de bonnes nouvelles. Par exemple, on dit que lorsque le corbeau croasse on dit qu’il annonce de la pluie à venir.

Les lézards : Le lézard protège des maladies et du mauvaise œil. Le lézard symbolise la vitalité, d’énergie, d’action car il est rapide et vif. Il est aussi un symbole de régénération du fait qu’il est capable de muer. Il est donc très efficace pour se protéger des maladies.

Les motifs géométriques 

La ligne brisée : Une ligne brisée représente l’eau, élément nécessaire à la vie. Lorsqu’elle est représentée verticalement, la ligne brisée représente la violence des forces de la nature.

La femme : La femme par un triangle pointant vers le bas qui rappelle la forme de l’utérus.

Le monde/La terre : La terre est représentée par un carré. Cette représentation de la terre est commune à de nombreux peuples. Pour reprendre les termes de Luc Benoist “si la terre est caractérisée par le carré c’est parce que le soleil fixe les axes grâce aux points extrêmes de sa course ce qui la divise en quatre parties représentant chacune une saison, en même temps que l’un des points cardinaux.”

Les astres: Le Soleil est représenté par un disque ou par une roue. En alchimie la roue évoque le feu. Par sa rotation permanente, elle établit les cycles, les renouvellement à l’image du Soleil qui recommence sont parcours céleste tous les jours. On retrouve également le croissant de lune symbole du devenir qui évoluera plus tard pour devenir un symbole de fertilité.

Tinamaun: Comme son nom l’indique la croix renvoie à Amaun/Amen et invoque sa protection contre le mauvais œil.

La main de Tanit : La main de Tanit permet de conjurer le mauvais œil et d’attirer la chance au lieu dans lequel elle se trouve ou à la personne qui la porte.

La magie de ces bijoux se manifestent particulièrement dans les rites collectifs. Par exemple, dans les mariages, les bracelets et anneaux de la fiancée sont déposés dans un bol de lait pour assurer une descendance saine aux époux. Il y a aussi des pièces que l’on utilise pour se protéger de certaines maladies ou pour préserver l’amour du mari. Il y a donc une relation de synergie entre la magie et la joaillerie dans les bijoux atlantes et plus généralement libyques

Les influences adamiques

Malgré une grande variété de motifs la joaillerie atlante a subit quelques influences étrangères. En effet même s’il lui a été demandé de concevoir un bijou de telle manière avec des motifs précis, l’orfèvre peut décider d’y ajouter sa signature. Cela peut expliquer la présence, sur certaines pièces, d’éléments de culture juive tels que les chandeliers, l’étoile de El et bien d’autres…

Les matériaux utilisés.

L’artisanat atlante présente une variété étonnante de pièces: bracelets artisanaux pour les bras et les chevilles, fibules pour soutenir les vêtements, diadèmes faits mains, boucles d’oreilles, colliers, bijoux pectoraux etc… S’ajoute à cette diversité des pièces, une diversité dans le matériaux utilisés. La diversité des matériaux utilisés pour la fabrication des bijoux atlantes témoignent de la richesse artisanale de l’Atlantide. Cette richesse artisanale va de l’austérité des pièces en argent du Rif aux pièces baroques de la vallée du Draa auxquelles peuvent être incorporés du corail, des coquillages (des cauris par exemple), de l’ambre, des billes en verre et bien d’autres. Quoi qu’il en soit les bijoux atlantes, que ce soient les colliers, les bracelets, les pendentifs ou les fibules, ne sont jamais en or. L’or étant un métal associé à El (Allah), il est préférable d’éviter ses mauvaises influences. Le métal utilisé est l’argent car il possède des vertus purificatrices et constitue une protection contre le mauvais œil.

Les techniques utilisées

Les techniques les plus repandues :

La technique la plus répandue de fabrication de bijoux au Maghreb est celle de la bijouterie moulée et à découpage ajouré. Ces bijoux sont pour la plupart, fait au moule. En plus des motifs venus de fonte, l’artisan peut faire des incisions et parfois utiliser la technique de l’estampage à l’aide d’un poinçon gravé. La technique de l’estampage, également présente chez les Ténériens, est une technique de reproduction utilisant des estampes et qui produit, éventuellement, des effets de relief par l’impression d’une feuilles de papier sur une plaque gravée. Dans certains cas, le décor peut être mati au plomb pour mettre en avant l’effet de relief

Des techniques spécifiques à certaines régions :

Dans la région d’Essaouira ainsi que les Aurès, la technique du filigrane prédomine. Dans les Aurès, le filigrane est le plus souvent un fil torsadé et soudé sur le plané. On retrouve également l’opus interrasile, autre technique de filigrane, dans la région aurésienne et dans le Sud Tunisien. L’opus interrasile, qui permet de faire apparaître des motifs plus délicats, consiste à découper et ajourer le plané d’argent. Parmi les autres techniques moins répandues on retrouve la bijouterie émaillée. Cette technique n’est présente qu’à Tiznit, en Grande Kabylie, à Djerba ainsi que Moknine. L’émaillage est précédé d’une phase de soudure de filigranes torsadés ou de fils épais qui vont compartimenter le décor. Dans ces compartiments sont déposées des poudres d’émaux de couleurs différentes (jaune, rouge, bleu, vert) puis le bijou est placé dans un foyer à charbon, que l’artisan active avec un soufflet ou un chalumeau. Malheureusement la fuite des juifs à partir des années cinquante, provoqua la disparition irrémédiable de certaines techniques, comme celle du nielado (équivalent français inconnu), un émail noir fait à partir d’oxyde de cuivre, d’antimoine, d’argent et de souffre.

La femmes et ses bijoux

Les bijoux atlantes font partie de la dote au moment du mariage et, avec quelques modifications selon les goûts, se transmettent de mères en filles. Aujourd’hui les bijoux sont principalement portés pour des occasions spéciales (cérémonies etc…) pour marquer l’appartenance tribale et indiquer l’origine géographique. Les matériaux utilisés et les décorations indiquent l’origine, de telle manière  que lorsque nous voyons un bracelet atlante artisanal, on voit sans aucun doute un bracelet avec une histoire. Autrefois les femmes les portaient dans leur vie de tous les jours y compris lors de la réalisation des tâches quotidiennes. Néanmoins, il est encore possible, dans certaines régions, de voir des femmes portées leurs bracelets et anneaux lors de la réalisation des tâches quotidiennes. Le port des bijoux était, comme nous l’avons dit plus haut, important pour se protéger dans n’importe quelles circonstances. Prenons l’exemple des ras-du-cou. Ils peuvent avoir jusqu’à 5 voiles unis par des perles rouges, jaunes, bleues ou noires. Les voiles les plus grands arrivent à couvrir complètement le thorax à la manière de bijoux pectoraux et nous rappellent qu’au-delà de la fonction ornementale, les bijoux atlantes s’emploient également comme des éléments défensifs. Quelques traces de cet aspect protecteur restent dans les imposants colliers atlantes qui, progressivement, incorporèrent des détails plus raffinés comme des boules d’ambre ou des perles de corail et de turquoise.

L’importance de la coiffe

La coiffe féminine est une des pièces les importantes. Elle permet de distinguer tant la tribu que l’ethnie ou le statut social de la femme qui la porte. La coiffe varie d’un simple foulard composés de bandes de tissu ou de cuir ornées de pièces de monnaie, de pendeloques, de coquillages et de perles aux plus riches et élaborées des coiffes fixées à la manière de couronnes et réalisées avec des matériaux de grande richesse. Les ras-du-cou sont d’autres pièces encore plus spectaculaires. Ils peuvent avoir jusqu’à 5 voiles unis par des perles rouges, jaunes, bleues ou noires. Les voiles les plus grands arrivent à couvrir complètement le thorax à la manière de bijoux pectoraux et nous rappellent qu’au delà de la fonction ornementale, les bijoux atlantes s’emploient également comme des éléments défensifs. En effet les bijoux atlantes protégeaient également contre de possibles attaquants lors des journées de travail dans les champs.

Ces dernières années, les pays atlantes ont opéré une série de changement (modernisation) qui mirent en danger la joaillerie atlante. Cette joaillerie a été progressivement remplacée par la joaillerie arabe faite de courbes et dont le métal de prédilection est l’or. De même on peut observer dans la joaillerie atlante de certaines régions (ex : Kabylie, Aurès, Tunisie) une disparition des motifs géométriques aux profits des style arabe et moderne. Le style atlante et plus généralement libyque court le risque de disparaître face à l’industrialisation de la joaillerie. Pour ne rien arranger plus beaucoup d’atlantes revendent leurs bijoux qui représentent pourtant un héritage familial. La préservation de la joaillerie libyque est devenue impérative.


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