Longtemps assimilée à Tanit la déesse de l’amour (probablement pour ne pas faire d’ombre au dieu lumière), Athéna est une déesse de la lumière civilisatrice qui a tout pour être la concurrente directe de El. Née en Tritonie, elle devint très vite une déesse importante auprès des tritoniens et des libyens en général. Son culte est attesté de Marrakesh à la Tripolitaine. Mais qui est-elle si elle ne correspond pas à Tanit ? Hé bien il s’agit de Tafokt la déesse solaire.
Vous avez du mal à y croire ?
Sachez tout d’abord que Tafokt comme Athéna est la déesse du tissage. Une légende libyque mettant en scène Tafokt et Kenza sa prêtresse montre comment Tafokt fournit la laine à Kenza, grâce à ses rayons, afin que celle-ci puisse tisser des vêtements chauds pour les villageois pendant l’hiver.
Voici la légende :
Quand l’astre ardent s’est éloigné de la terre, plongeant le village de Tzigat dans le froid et la neige, les villageois demandèrent à Kenza de faire revenir le soleil. Elle leur dit : « Qu’importe j’ai déjà tressé de ses rayons d’or une laine bien chaude. » Depuis, en hommage à cette dame, les Libyens appellent les pulls en laine « kenza », qui veut dire amour, chaleur et douceur. Et c’est ainsi que le tissage fut créé.
Mais ce n’est pas le seul élément qui laisse supposer que le tissage est une activité solaire. On retrouve la notion d’or pratiquement à chaque fois qu’il est question de tissage. Dans certains contes il est fait mention d’un rouleau de métier à tisser en or et pour les libyens le tissage est « d’essence divine et ses outils en or sont descendus du ciel ». L’or étant le métal associé au soleil.

La virginité et le tissage
Par ailleurs chez les libyens, le tissage est le reflet de la jeune fille et symbolise entre autre la virginité. Il existe également un rituel qui allie virginité et tissage. Une fois le métier dressé, la fillette se faufile en présence de sa mère dans le passage laissé par les fils de chaîne et les montants. Ainsi la villageoise s’approprie la virginité de l’enfant qui devra faire le chemin inverse la veille de ses noces pour rompre le charme.
Les mathématiques et le tissage
Les tisseuses tissent de bas en haut et il arrive un certain moment où lever les bras pour tisser devient pénible. Il donc convient de libérer la partie déjà réalisée du tapis. Cela a pour conséquence que la tisseuse ne voit pratiquement plus l’œuvre déjà réalisée. Ainsi le tissage nécessite d’importante capacité de vision dans l’espace et de mathématique pour réaliser des œuvres symétriques et géométriques. Tous ces éléments à savoir la virginité, les mathématiques sont intimement liés aux différentes attributions d’Athéna.

Le symbole de l’araignée
L’araignée est également associée chez les libyens au tissage et au soleil.

Il est intéressant de noter que les personne ayant pour animal totem l’araignée sont créatifs, font preuve de beaucoup de patience et ont une capacité de perception très développée. La sagesse de l’araignée vous apprend à faire preuve de patience tout prêtant attention à la manière dont les événements se déroulent et d’agir au moment opportun. L’araignée est également un symbole d’énergie féminine. L’araignée est capable de tisser des toiles d’une ingéniosité surprenante. Par sa capacité de perception et d’analyse, son esprit d’inventivité et sa patience, on reconnaît le caractère d’Athéna dans le totem de l’araignée.
L’araignée est également associée à Neith, la déesse égyptienne du tissage et de la guerre. Neith, à l’image de l’araignée, dans la cosmogonie égyptienne c’est elle qui a créé le monde par le tissage.

Tafokt, une divinité de la guerre
Dans La Lune chez les touareg, Hélène Claudot Hawad oppose Tallit à Tafokt. Ainsi il est dit de tafokt qu’elle fait aghamas, c’est-à-dire qu’elle marche avant l’aube à l’heure de l’attaque guerrière. On retrouve également le thème de la guerre avec le terme « tembwattaj » qui signifie « déclencher une guerre » en langue izwawen. Ici la racine est Ittij autre nom du soleil mais cela renforce l’idée selon laquelle le soleil est associé à la guerre.

Le soleil et l’huile d’olive
L’étude d’Hélène Claudot Hawad nous renseigne que la Lune et associée au lait quand le Soleil est associé à une huile qui brûle. Il s’agit de l’huile d’olive qui est utilisée dans les civilisations méditerranéennes pour les lampes à huile. Malgré la disparition de l’olivier du Ténéré, les ténériens ont gardé cette symbolique de lumière rattachée à l’huile. Cette association Soleil-huile d’olive fait encore penser à Athéna qui est lié à l’olivier et par extension aux olives et à l’huile. Lors de sa confrontation avec Poséidon pour la ville d’Athènes, Athéna dit qu’elle lègue aux athéniens l’olivier dont les fruits donneront une huile qui soignera leurs blessures, les nourrira, les fortifiera et bien sûr les éclairera.

Tafokt, une mère universelle ?
Le tissage est souvent assimilé à la création d’un être. Quand on coupe les fils qui relient la pièce tissée au métier à tisser, cet évènement est perçu comme la mort d’un être et se traduit pas les pleures de la tisseuse. La fin du tissage est toujours une souffrance « car c’est comme un être humain »; « il est lié au coeur et lorsqu’on le coupe c’est comme si on le tuait ». L’araignée est souvent associée à la mère universelle. Dans le mythe de Neith créatrice de l’univers le terme tisser est utilisé pour parler de son acte de création. Cela rappelle le fait de créer un « être humain » avec le tissage chez les libyens. Mais il est difficile de concevoir l’idée selon laquelle elle serait la mère universelle et le fait qu’elle soit la fille d’Anzar. À moins qu’elle soit la mère de l’humanité, qu’elle ait participé à la naissance de l’être humain sur terre. Quoi qu’il soit en tant que déesse du soleil, Tafokt est inévitablement liée à la vie.
Tafokt, la gardienne de l’ordre
Tafokt protège notre monde des bouleversements en tout genre. Les atlantes du Sauss, la priaient en cas de catastrophes surnaturelles ou de grands cataclysmes. Plus généralement en tant que divinité solaire, elle veille au bon fonctionnement de notre cosmos. Sans elle, la vie serait impossible sur Terre et le climat changerait considérablement. On retrouve cette notion d’ordre et d’équilibre dans la symbolique du peigne à tisser. Ainsi Tafokt incarne l’ordre et la stabilité aussi bien dans l’univers que sur Terre. À l’image d’Athéna, déesse du bon gouvernement et des droits, qui fait perdurer l’ordre dans la société hellènique

Une déesse de l’agriculture
Tafokt participe à la bonne croissance des plantes et des végétaux. Chez les atlantes du Sauss, Tafokt est invoquée en cas de problèmes agricoles tel que les plantes qui peinent à croître ou qui ne se portent pas bien.

Athéna-Tafokt un syncrétisme improbable ?
Pas si improbable que ça. Athéna est lié à l’olivier et par extension à l’huile d’olive. Cette huile, comme nous l’avons dit plus haut, est associé à la lumière car utilisée pour les lampes à huile. On voit déjà idée de lumière se dégager d’Athéna. En réalité Athéna serait une personnification du ciel lumineux. Certains font dériver Athéna de »Aitho » qui signifie »briller » et qui a également donné »Éther ». En ce sens elle serait liée à l’éther scintillant. Mais nous verrons qu’il est logique qu’elle soit associée au soleil en tant que personnification du ciel lumineux.

Athéna est souvent associé à l’or. Ses attributs sont la lance d’or et le casque d’or. Dans L’iliade, Homère précise que son égide est décoré avec de l’or. Voici la citation: « Et, au milieu d’eux, Athéna aux yeux clairs portait l’Egide glorieuse, impérissable et immortelle. Et cent franges d’or bien tissées, chacune du prix de cent boeufs, y étaient suspendues. » HOMERE Iliade II, 445 sqq. Toujours dans l’Iliade, Homère utilise le terme « agalma » qui signifie « doré » pour décrire l’égide d’Athéna.

Déesse de la guerre
Athéna est bien connue pour être une déesse de la guerre. Cet aspect guerrier de la déesse est à rapprocher du fait que le Soleil est un symbole de la guerre non seulement chez les libyques du Maghreb mais aussi chez les libyques d’Égypte avec la déesse Sekhmet et chez les aztèques avec le dieu solaire de la guerre Huitzilopochtli.
Déesse de la victoire
Parmi les différents épiclèses d’Athéna on retrouve »nikè » qui signifie victorieuse ou celle qui apporte la victoire. Athéna est une déesse de la victoire qui est demeurée invaincue. Même Arès n’a jamais réussi à la vaincre. On retrouve ce thème de la victoire dans la symbolique du Soleil.

Déesse virile
Les hellènes avaient déjà des doutes sur le genre d’Athéna. Ils l’appelaient »la dieu ». Le fait qu’elle possède des attributs viriles tels que le bouclier et la lance et qu’elle aide les héros mais que paradoxalement elle soit associée au travaux domestiques féminins rendaient la définition de son genre assez difficile. Les égyptiens ont opté pour une divinité androgyne. Neith et à la fois dieu et déesse. Mais chez les libyques elle est une déesse du soleil, astre typiquement masculin. Athéna est donc bien une divinité féminine chez les libyens. Le fait qu’elle soit solaire permet de faire ressortir son côté virile. Tout comme Ayaur elle possède un genre opposé à l’astre qui la définit mais elle présente également les traits de personnalité de cet astre.

Ces éléments tendent à montrer qu’il serait plus logique d’associer Athéna au Soleil plutôt qu’à l’Éther.