Le Royaume des Berghwata et les Daukkali

 

Qui sont ces Berghwata  qui ont régné de 742 à 1148, sans laisser la moindre trace dans l’histoire officielle? Leur nom ne figure nulle part dans les manuels scolaires d’histoire. Il est vraisemblable que toutes les archives qui les concerne ont été délibérément détruites pour faire passer sous silence l’existence d’un peuple qui dérangeait les idéologies arabo-islamiques qui avaient déjà atteint une grande ampleur en Atlantide (Hespérie). Très peu savent que les Berghwata furent la dernière dynastie dont les Rois étaient des marocains de souche, des fils du pays du premier jusqu’au dernier. Ils ont régné sur la région de Tamesna de Salé à Safi (ce que les Barbares nomment aujourd’hui le Maroc utile), surtout ils avaient leur propre prophète, leur coran et leurs rites. Ils étaient connus également sous le nom de Béni Tarif, d’après le nom du fondateur de la principauté, qui avait rejoint le dissident kharijite Mayssara et portant le glaive contre les conquérants musulmans. La plupart des historiens décèlent que les Berghwata, proviennent de la dynastie libyenne des Bacchus, et que Tarif est un libyen. Les Libyens de Masmouda et Zénata ont désigné Tarif comme chef. Il fut considéré comme le fondateur de la principauté des Berghwata, mais son fils Salih qui passe pour être le fondateur spirituel et le créateur de la religion des Berghwata. Les Berghwata voulaient recréer une copie conforme de l’islam dans l’Atlantide sous le troisième prince de la lignée, Younès pour que la prophétie des Béni Tarif soit révélée.
Il imposa une religion d’une autre manière avec un coran comprenant quatre vingt sourates qui portaient presque toutes le nom d’un prophète adamique, on y comptait celui d’Adam, Ayoub, Pharaon, Haroun… Ni Salih qui avait peur pour sa vie, ni même son fils à qui son père a confié sa religion, sa science, ses principes et son « fiqh », ne se sont proclamés prophètes, ils restèrent tous deux partisans des Ibadites de la fraction des Kharijites (musulmans plaidant pour la démocratie et l’égalitarisme). Exactement comme l’avait fait, avant lui, le prophète Mahomet en Orient. Younès eut même recours à un autre verset du coran pour faire prévaloir le statut mérité de son grand père en tant que prophète : « Et nous n’avons envoyé de messager que dans la langue de son peuple » (sourate Ibrahim, verset, 4). Son argument est simple : Mahomet étant arabe, Salih a d’autant plus le droit de transmettre le message du Dieu EL dans sa langue libyque auprès des siens au Maroc. Younès a même prédit que son grand-père allait réapparaître sous le règne du 7eme Roi des Béni Tarif en tant que « Al Mehdi Al Mountadar » (inspiration chiite).

D’après l’historien Mouloud Achaq et selon Mohamed Talbi qui avance que la religion des Béni Tarif ne s’est pas totalement écartée de l’islam. Elle s’est contentée de l’adapter dans une version libyque, locale et indépendante de l’Orient, en se dotant d’un coran local et d’un prophète local. Ils voulaient probablement montrer qu’ils n’avaient pas de leçon à recevoir des despotes de l’Orient et qu’ils pouvaient produire leurs propres règles religieuses. Dans les faits, douze tribus seulement ont accepté la prophétie des Béni Tarif. Les autres tribus sous leur domination, et dont le nombre s’élevait à 17, ont gardé leur ancienne confession, l’islam moutazilite. Or, les Berghwata se sont comportés avec ces tribus comme des alliés et ne les ont pas persécutées au nom de la nouvelle religion. Au niveau de la population, les rites des Berghwata s’apparentaient de manière étonnante aux croyances libyques ancestrales et aux pratiques de rituels pré-islamique, dont la sacralisation du Coq. Ils disent toujours, au lever du jour, « la tay wadane afollos » (le coq appelle à la prière). Selon l’orientaliste Nahoum Slouch, l’interdiction de manger la chair de coq proviendrait des Juifs du Machreq au Ténéré (Sahara). Ce qui a incité Slouch à affirmer que « la religion des Berghwata est musulmane dans sa forme, libyque dans ses rites et juive dans son fond et ses tendances ». Cependant la réalité est tous autre, leur religion était bien libyque, avec des rites que l’ont retrouve un peu partout en Libye et cette volonté de judaïsé leur foi, est une façon d’effacer historiquement leur identité d’origine et faire croire à des influences orientales. Ce même procédé de destruction identitaire se retrouve chez les historiens arabes et humaniste (franc maçons) qui veulent à tous prix imposer l’idée d’une origine juive à tous les peuples de Libye.

A une différence près : Les préceptes régissant le dogme, étaient nombreux et hétérodoxes, un jeûne hebdomadaire du jeudi était obligatoire, la prière était faite cinq fois le jour et cinq fois la nuit, la prière publique se faisait à l’aurore (fjer) non le vendredi à midi (dhor), aucun appel (adène) à la prière ni rappel (ikamat). Une partie de leur prière se faisait sans prosternement (rekât) et une autre à la façon Orthodoxe, ils récitaient la moitié de leur coran pendant qu’ils étaient debout et l’autre moitié pendant les inclinations. Le salut était en langue libyque berghwati “Dieu est au dessus de nous, rien de la terre ni des cieux ne lui est inconnu “. Tout Berghwati pouvait épouser jusqu’à huit femmes mais il ne pouvait contracter d’union ni avec une musulmane orthodoxe ni avec une cousine jusqu’au troisième degré. Il peut répudier et reprendre ses femmes. Le menteur était flétri du titre de el morhaier (qui s’éloigne de la vérité) et généralement expulsé du pays. Comme alimentation étaient illicites la tête et la panse des animaux.

C’est dans la région de Tamesna, traversée de forêts et de ruisseaux, qu’est née l’idée d’une nature hantée à moins que la croyance soit plus ancienne que les Berghwata. Quant à la réticence à manger la tête de certains animaux, dont le poisson, et l’interdiction de manger les oeufs, elles sont toujours de rigueur chez certaines tribus des Masmouda qui se sont réfugiées dans le Souss, après la dissolution de la principauté des Berghwata dont la mise en échec n’a pas été chose facile, loin s’en faut.

Qu’est-ce qui a donné aux Berghwata une telle force de résistance?

Après le carnage de Oued Beht et celui du village de Timaghine, qui leur ont permis d’élargir leur domination au début du 10eme siècle, Abdellah Abou Al Ansar, un Roi berghwati pacifiste et cultivé est arrivé au pouvoir. A l’inverse de ses prédécesseurs, a réussi à fédérer nombre d’alliés sans avoir à répandre le sang. Al Bakri raconte qu’il rassemblait ses hommes, préparait son armée et s’apprêtait à lancer des attaques contre les tribus avoisinantes. Lorsque ces derniers lui offraient des présents dans une tentative d’attirer sa sympathie et qu’il acceptait leurs présents, il dispersait ses hommes en signe de renoncement à l’attaque envisagée. Cette description montre à quel point les tribus entourant le royaume des Berghwata craignaient ces derniers et tenaient à maintenir une trêve avec eux, liées par un lien national propre aux Daukkali.

1- Lien des Béni Tarif, détenteurs du pouvoir et les leaders de l’alliance idéologique et spirituelle du Royaume.
2- Suivi des Masmouda, qui jouissaient d’un rang social privilégié.
3- Des Zénata et des Eznagn (Sanhaja), dont le rang social, s’étaient améliorés grâce à leur activité commerciale.
4- Toutes les tribus du désert Ténéré, grâce à leur bonne maîtrise du flux des caravanes provenant du Sahara.

A ce phénomène, Ahmed Siraj pense, quant à lui, que chez les Berghwata « les tribus faisaient les frontières », elles faisaient quelque 400 fortifications dans leurs villes stratégiques, telles Chellah, Fédala ou Anfa. Mais leur puissance réelle résidait dans leur force économique. Ils pouvaient selon Ibn Haouqal, avoir des échanges commerciaux même avec des gens d’Aghmet, du Sauss et du Sijilmassa. Au point de vue agriculture, il suffit de citer Léon l’Africain « de blé égale du temps de ces hérétiques, l’abondance du blé était telle que les gens échangeaient une quantité à ce que pouvait porter un chameau, contre une paire de babouches ».

C’est seulement en 1994 que les premières tentatives d’exploration de la mémoire des Berghwata qu’a commencé les travaux, dont le but initial était de constituer la carte archéologique de la région de Mohammedia, elles ont permis dans un premier temps de découvrir le site de « Makaul » que le géographe Al idrissi et l’historien Ibn Khatib signalaient sur la route reliant Salé à Marrakech. Après, ils ont découvert d’autres tombeaux empreints de motifs ornementaux à proximité de la route reliant Anfa (Casablanca) à Rabat, non loin de Oued El Maleh sur le site de Sidi Bauamar. Chose surprenante, des tombeaux similaires qui existaient également sous le pouvoir des Berghwata dans les régions de Chawia, Daukkala et Abda. Même opération de recherche, on découvrit un site, évoqué d’ailleurs par l’historien Michaux Bellaire, que l’on nommait « cimetière des Mages (Al Majous) ». Ce lieu serait un des rares témoignages attestant de la mémoire collective des Berghwata et l’image que les musulmans avaient d’eux à l’époque.

Leur puissance militaire allait se manifester clairement lorsque le fondateur de la dynastie Almoravide, Abdellah Ibn Yassine, a essayé de les anéantir en 1059. Sur cet événement, Mouloud Achaq nous raconte : Ibn Yassine s’est aventuré dans cette péripétie sans préparation. Il croyait pouvoir vaincre les Berghwata alors qu’il venait du désert et que ceux qu’il venait combattre connaissaient mieux leur région, difficile à pénétrer. Il sera tué dans cette bataille et inhumé dans un village perdu du nom de Kérifla.

Le Royaume des Berghwata a résisté plus de quatre siècles, en effet jusqu’au milieu de XIIe siècle, ils ont su sauvegarder leur souveraineté et leur indépendance. Ils ont subi les attaques successives des Idrissides, des Fatimides, des Zirides, des Zénata et même des Almoravides. Toutes ces puissances ne seront parvenues à les anéantir. Ce sont les Almohades qui viendront à bout à ce Royaume libyque original, qui était un peuple d’une vaillance et d’une robustesse incomparable, hommes et femmes se distinguaient par leur beauté et par leur extraordinaire force musculaire, mais on oublie de mentionner leur immense capacité intellectuelle et leur foi sans limite pour la religion de leurs ancêtres et en Akauch (Hadès). C’est par Abdelmounen ben Ali El Goumi de la dynastie des Almohades qui a probablement conduit à l’anéantissement du Maroc libyque et petit à petit effacé leurs traces, en important des tribus arabes de Tunisie pour remplacer les tribus affiliées aux Berghwata et en changeant l’appellation de la région (Tamesna) par Chaouia. Ainsi, le directeur de l’Institut royal des études d’histoire, Mohamed Kabli, nous assure que le manuel de l’histoire du Maroc en cours de préparation recèlera pour la première fois le peu qu’on sait sur la dynastie des Berghwata.

 

Une autre version de l’histoire des Berghwata

 

C’est au l0ème siècle que fut fondé par les Berghwata, confédération de tribus masmoudiennes, installées dans l’ouest du Maroc, le premier Royaume islamo-libyque. C’est la politique d’exploitation et d’humiliation menée à l’égard des Libyens par les gouverneurs arabes qui les poussa à s’allier d’abord avec les Kharéjites, hérétiques venus d’Orient, qui prêchaient, contre la prétention des Arabes à gouverner seuls, l’égalité des Musulmans, en dehors de tous critère social ou racial. Par la suite, les Libyens, pour mieux affirmer leur indépendance et leur aspiration à fonder une nation, voulurent se donner une religion propre. Ils n’abandonnaient pas entièrement l’Islam, mais ils le transformaient profondément de manière à l’adapter à leurs croyances et à leurs traditions libyques.

Profitant de la révolte kharédjite, les Berghwata prirent les armes contre les Arabes, sous la direction de Maysara, un porteur d’eau de Tanger. Leur Roi, à l’époque, s’appelait Tarîf Abû Salih’ : c’est son fils, Salih’ qui aurait fondé la nouvelle religion, mais celle-ci fut gardée secrète pendant deux générations. C’est son petit-fils Yunus qui la révéla, en proclamant son grand père le Salih’ al Mu’minîn, “le vertueux d’entre les croyants”, dont parle le Coran (sourate 66, verset 4). Il prétendait avoir reçu la révélation, en libyque, d’un livre qui contenait quatre-vingt sourates, portant, comme le Coran, des noms de prophètes (Job, Jonas, Saül) ou d’animaux (le coq, la perdrix, la sauterelle). En plus de ce livre que l’on devait réciter à toutes les prières, Salih’ avait donné à son peuple un code de lois religieuses spécifiques : le nombre des prières canoniques était de dix et non de cinq comme chez les autres musulmans, le mois de jeûne n’était ramadhan mais radjab, la prière publique avait le jeudi et non le vendredi, la magie et la divination étaient autorisées etc. Les interdictions alimentaires étaient plus sévères que celles de l’lslam : Salih’ interdisait les oeufs, les têtes d’animaux comme le mouton, et la chair du coq, tenu pour un animal sacré. Des historiens pensent c’est Yunus lui-même qui a élaboré ces doctrines. D’ailleurs, il s’en est fait l’ardent propagandiste convertissant ceux qui voulaient se rebéller contre le pouvoir caliphal arabe. Les Musulmans orthodoxes, Arabes et Libyens, appelèrent à la guerre sainte contre les hérétiques Berghwata, mais ceux-ci, retranchés dans leur territoire, ont pu se défendre et protéger longtemps leur religion.
H’a Mîm est un autre “prophète” qui prétendait détenir une révélation en libyen et fonda une religion propre.
Selon les sources arabes, il avait pour surnom Muh’ammad (il aurait donc eu un fils nommé ainsi) son père s’appelait Abû Khalaf Mann Allah. Quant au curieux nom de H’a Mîm, il est tiré du Coran, plus exactement des deux mots mystérieux, H. M., qui figurent à la tête de certaines sourates.

Il appartenait à la grande tribu libyenne des Ghomara et c’est dans cette tribu, plus exactement dans les environs de Tétouan, au Maroc, commença à prêcher vers 925. On ne connaît pas grand chose de la vie de H’a Mîm ni de sa religion. Les quelques renseignements dont nous disposons proviennent essentiellement de l’historien arabe AI Bekri, un auteur sunnite qui ne cache pas son hostilité à l’hérésie et qui, par conséquent, n’est pas objectif.

H’a Mîm se prétendait prophète et se disait envoyé par Dieu pour réformer la religion musulmane que les Arabes avaient altérée. Il composa, en libyen, un Coran où figure notamment, d’après Al-Bekrî, la profession de foi suivante : “Il n’y a de Dieu que Dieu…Je crois en H’a Mîm, en Abû Khalaf et en Tingit”
Abû Khalâf (ou Abû Yaklût) était le père de H’a Mîm et Tingit (ou Tinqit) sa tante qui était, toujours selon AI Bakrî, une prêtresse magicienne. La soeur de H’a Mîm, Dadjdju ou Dâbbu, était également une prêtresse magicienne et les fidèles sollicitaient son secours. H’a Mîm avait conservé les principales obligations religieuses de l’Islam comme la prière et le jeûne mais il transforma la plupart d’entre elles pour les conformer aux traditions des Libyens ou alors pour se distinguer des orthodoxes. Ainsi, il imposait le jêune annuel mais seulement les trois derniers jours du ramadhan et non le mois entier, la fête de la rupture du jeune n’avait pas lieu le jour de la rupture mais le lendemain. A l’inverse, H’a Mîm avait instauré un jeune hebdomadaire d’une demi journée le mercredi et d’une journée entière le jeudi. Le nombre de prières quotidiennes était réduit à deux: la prière du lever du soleil et celle du coucher. La zakat ou impôt légal sur la fortune était fixé au dixième de chaque chose possédée. Le pèlerinage à la Mecque (symbole de la domination arabe sur les peuples) était supprimé. La consommation de viande de sanglier était autorisée, quant au poisson, il ne pouvait être consommé que si on l’égorgeait rituellement. Enfin, la chair des oiseaux, y compris celle des gallinacés, ainsi que les oeufs, jugés impurs, étaient prohibés.

Une telle “hérésie” souleva l’hostilité des musulmans orthodoxes, arabes et libyens, qui la combattirent. H’a Mîm mourut d’ailleurs au cours d’un combat, en 928 ou 931. Sa religion lui survécut jusqu’au 11ème siècle, date à laquelle ses adeptes furent convertis de force à l’orthodoxie par les Almohades.

 

Tazota, l’héritage architectural des Berghwata 

 

Uniquement constitué de pierres, tazota rappel à quel point la forêt et les arbres étaient sacrés pour les Berghwata, à tel point qu’il fut peu utilisé ou uniquement à des usages vitaux de la vie de tous les jours. Cette architecture unique qui se distingue de celles des autres régions libyennes est endémique à leur région qui se nomme Daukkala qui signifie en libyen “Sous cette terre” en référence à l’idée de plaine basse par rapport à l’immense Atlas qui tire vers les nuages. En effet si aujourd’hui ce patrimoine est étudié c’est parce qu’il ne représente plus une menace identitaire, les Daukkali ne garde presque aucune mémoire de leurs heures de gloire et encore moins de principauté berghwati. Aujourd’hui tazota est un formidable potentiel touristique autant au niveau nation qu’international, mais la censure sur la religion pré-islamique de ces lieux tronque son identité et fait perdre au lieu son charme authentique. Ce potentiel touristique et pédagogique ne peut émerger tant que le Maroc n’aura pas exorcisé ses démons et ses erreurs du passé, comme celui d’avoir privé tout un peuple de son identité et de sa mémoire. 

 

Le Daukkali seraient ils arabo-libyen?

Le nom “Daukkala” est dérivé du libyen Adu, qui signifie “en dessous”, et Akal, qui signifie “terre”, faisant référence au caractère peu élevé des plaines par rapport aux montagnes de l’Atlas.

Historiquement, le nom Daukkala fait référence à une confédération tribale libyenne, établie sur le territoire entre (Anfa) Casablanca et Safi.

Révoltés contre les Almohades au xiie siècle, le calife Abd al-Mumin réussit à soumettre les Doukkalas vers 1160 et décide d’installer et de sédentariser, au sein de leur territoire, des tribus hilaliennes qu’il avait auparavant soumises dans l’Ifriqiya, et ce dans la perspective d’en finir avec les révoltes daukkaliennes telles que celle des Berghwatas dans le siècle précédent.

D’après Ahmed ben Mohamed el-Khayyat ed-Doukkali el-Mouchtaraie dans son ouvrage du xiiie siècle Salsalat ad-Dahab al-Manqoud, ces tribus libyennes étaient au nombre de six, à savoir: les Regraga, les Bani-Dghoug, Les Bani-Maguer, les Mouchtaraia, les Hazmir et les Senhaja ; les cinq premières d’entre elles appartenaient aux Masmoudas et la dernière aux (Eznagn) Sanhadjas.

À la suite de l’installation des Arabes hilaliens, les Libyens sont refoulés dans l’Atlas ou se mêlent aux Arabes, désormais majoritaires, en adoptant leur langue et leur culture de sorte que la dénomination de “Daukkala” réfère depuis, jusqu’à nos jours, aux tribus arabes ou arabisées habitant une partie du territoire de l’ancienne population Daukkali.

La confédération tribale des Doukkali, établie sur le territoire des provinces d’El Jadida et de Sidi Bennour, est constituée de 7 tribus :

  • El Aounate

  • El Haouzia

  • Oulad Amar

  • Oulad Amrane

  • Oulad Bouaziz

  • Oulad Bouzerrara

  • Oulad Frej

À ces 7 tribus s’ajoutent deux fractions des Chiadma et Chtouka, établies dans la région et étroitement liées, historiquement et culturellement, aux Doukkalis.

 

Daukkala une région au fort potentiel agricole

La région Daukkala-Abda, forte d’une superficie agricole utile (SAU) d’1 million d’ha, dont 96.000 ha irrigués en grande hydraulique et 18.000 ha irrigués par puits, contribue à hauteur de 10% au PIB agricole national et 22% au PIB régional. La région se distingue par le secteur de l’industrie extractive et de transformation et le secteur de l’agriculture. Elle compte également plusieurs unités de transformation et de valorisation de la betterave à sucre, du lait, des céréales et des câpres, outre une forte présence d’associations professionnelles agricoles qui s’acquittent de leur rôle en matière d’encadrement agricole.

Elle arrive en tête du palmarès des régions qui créent le plus de richesses au niveau national. Selon les résultats des comptes régionaux réalisés par le Haut- Commissariat au Plan, cette région contribue à hauteur de 10% au PIB et arrive au septième rang national. Certes, elle reste loin du score du Grand Casablanca avec 19,2%, mais elle devance de loin Meknès-Tafilalet avec 5,5% et l’Oriental avec 5,1%.

A Doukkala-Abda, le PIB par habitant a dépassé la moyenne nationale qui se situait à 24.000 dirhams en 2010. Il a atteint 25.051 dirhams contre 38.016 dirhams dans le Grand Casablanca. Les comptes régionaux du HCP confirment également une concentration des activités secondaires (industrie, mines, énergie et BTP) dans la région de Doukkala- Abda. La betterave sucrière et les câpres viennent en tête des espèces cultivées et représentent chacune d’elles 38% de la production nationale, suivies par le lait (22%), le cumin (20%), les céréales (14%), le raisin (13%) et les viandes (22%).

D’après la direction régionale de l’agriculture, cette région s’érige en pôle agro-industriel, grâce à son infrastructure très importante, notamment le réseau autoroutier et ferroviaire, en plus de sa proximité de l’aéroport Mohammed V de Casablanca et de trois ports. Selon la même source, la production agricole dans la région se décline en quatre filières, à savoir l’export, l’agro-industrie, le marché intérieur et les produits du terroir.
En ce qui concerne la filière export, le directeur régional de l’agriculture précise que la région produit 33 millions de fleurs par an, dont 27 millions sont destinés à l’export, 5.300 tonnes de câpres, (5.000 à l’export), 22 mille tonnes de légumes, (15 tonnes à l’export) et 1.900 tonnes de pastèques (1.500 tonnes à l’export). S’agissant des produits destinés à l’agro-industrie, ils concernent la betterave à sucre qui couvre une superficie de 20 mille ha encadrés par l’usine Cosumar de Sidi Bennour, suivie par les céréales d’automne, dont la production s’élève à 12 millions de quintaux, et le lait qui atteint 453 millions de litres par an.
Pour ce qui est des produits destinés au marché national, la production des viandes rouges est de l’ordre de 47.000 tonnes par an. La région compte 410 mille têtes de bovins et 1,70 million de têtes d’ovins et caprins. Pour la quatrième filière, la production reste cependant faible, ce qui pousse la direction régionale de l’agriculture à encourager les produits du terroir, notamment les figues, le cumin, la truffe, la menthe et le miel.

Par secteur d’activité, la région se distingue par le secteur de l’industrie extractive et de transformation et le secteur de l’agriculture dont les contributions en valeur se situent respectivement à 10,4 milliards de dirhams et 5,8 milliards de dirhams. Leurs parts respectives au niveau national se situent à 10,9 et 8,5%.

En ce qui concerne le taux d’activité de la région, il a connu une nette amélioration au cours de ces dernières années. Selon un document présentant les résultats de l’enquête nationale sur l’emploi, réalisée annuellement par le HCP et retraçant l’activité dans la région Doukkala-Abda selon le sexe et le milieu de résidence entre 1999 et 2013, on relève que les courbes suivent une tendance haussière. Ainsi, et selon le sexe, le taux d’activité chez l’homme dépasse celui des femmes. En 1999, le taux a été de 85,2 chez l’homme et de 37,8 chez la femme.

En 2013, il est passé à 78,5 chez l’homme et 38,4 chez la femme. Par rapport au milieu de résidence, le taux d’activité est meilleur dans le milieu rural. Normal, le territoire est connu pour la richesse de son agriculture. Pour le chômage dans la région de Doukkala-Abda, on remarque qu’au cours de ces 14 dernières années, il a connu une évolution en dents de scie. Ainsi, le taux du chômage est passé de 12,4% en 1999 à 10,8% en 2013 après une chute en 2007 avec un taux d’à peine 5,2%.

Les potentialités de cette région seront davantage mises en valeur avec le nouveau découpage proposé par la Commission consultative de la régionalisation. En effet, Doukkala-Abda cédera la place à deux nouvelles régions, à savoir Casablanca-Settat et Marrakech-Safi.

La Commission consultative de la régionalisation considère que la province de Berrechid, la province de Settat, la province d’El Jadida, la province de Sidi Bennour et celle de Benslimane devront faire partie de la région du Grand Casablanca. Et les provinces de Safi et de Youssoufia, rattachées actuellement à la région de Doukkala-Abda, seront in fine dans la région de Marrakech-Safi.

Avec cette nouvelle configuration, ces deux nouvelles régions ont la particularité d’abriter une masse de population plus forte, de couvrir des territoires plus étendus et de regrouper des circonscriptions administratives (provinces, préfectures et communes) plus nombreuses. Un nouveau découpage qui participera certes au rayonnement de cette zone centrale du pays.

 

Conclusion :

Daukkala reste un formidable écosystème, tant au niveau humain que végétal, l’un des coeurs de l’Atlantide et ne doit plus être considéré comme une région arabe ou dénué d’histoire, cependant pour en arriver à un niveau convenable d’épanouissement régional, il est nécessaire d’urgence d’y faire renaître le libysme comme autrefois du temps des Berghwata et bien plus encore.

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